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Les articles

Jade Allègre, médecin, anthropologue, naturopathe... la genèse d'une vie au service de l'humain !

Dernière mise à jour : 20 oct. 2020



Peut-on parler de destinée ? Je n’ai pas vraiment eu le choix : très jeune, j’ai subi l’absolue contrainte – intérieure - d’aider les démunis. Et je fêtais mes 20 ans dans un bidonville… Études d’anglais, maîtrise de civilisation américaine, 6 mois sur le terrain aux USA, je découvre la contre-culture. De retour en France, vie en « communauté » à la campagne, on refait le monde. On s’habille sur les décharges, on mange du blé en grain, on n’a pas d’argent.


Médecins du Monde ne soigne pas encore gratuitement les marginaux : lorsque l’un de nous tombe malade, c’est la galère. Alors je me plonge dans l’étude des plantes médicinales des campagnes, interroge les grands mères et les sorciers locaux, et soigne petits et grands. Mais les vieilles paysannes ne connaissent des plantes que leurs petits noms locaux, il m’a fallu apprendre à les identifier : un outil irremplaçable, « la petite Flore Bonnier », qui fait de la botanique un jeu !


Un voyageur de passage me parle de l’argile : j’essaie, çà marche ! Fascinant ! … et d’un coût imbattable ! Je me dis : mais pour tous les gens pauvres de la planète, c’est le médicament idéal ! Efficace, polyvalent, thermostable, gratuit, et sans le moindre effet secondaire, c’est exactement ce qu’il leur faut !


Mais l’hiver arrive, la communauté éclate, il me faut trouver un lieu chauffé : je me fais embaucher comme salariée agricole. Garder les moutons, traire les vaches, répandre le fumier, et rigoler avec mon patron et sa famille, des gens adorables.


J’ai sympathisé avec le vieux vétérinaire local, avec qui je « tourne » dans les fermes les après-midi, apprenant sur le vif comment un corps fonctionne, physiologie et pathologie en direct – « regardez s’il mange et comment il ch..., et vous saurez l’essentiel »… Et je comble mes gouffres d’ignorance avec de vieux livres scolaires : le foie, les reins, çà sert à quoi ?…


Six mois plus tard, retour en ville : je m’improvise secrétaire dans un laboratoire d’analyses, afin d’apprendre les termes médicaux. Et j’écume les bibliothèques universitaires, à la recherche d’information sur les argiles. Et là, stupéfaction, je découvre deux faits hallucinants : 1/ que tous les peuples de la planète ou presque ont utilisé largement les argiles pour se soigner, 2/ que les argiles sont à la pointe de la recherche dans les laboratoires les plus avancés de la planète ! Pas un trimestre sans publication sur le sujet dans les meilleures revues médicales internationales !

Et le fait que je sois bilingue anglais est LE sésame indispensable, car toutes ces équipes scientifiques publient en anglais. Exclusivement. Même lorsqu’elles sont … françaises. Une école de naturopathie a ouvert à Paris, l’Institut d’Hygiène et de Médecine Naturelle. Vous n’imaginez pas quel confort insensé, quel luxe, cela représente pour moi de rester assise et de recevoir tous les traitements naturels pour toutes les maladies, servis sur un plateau ! Alors qu’avant je devais parcourir des kilomètres pour ne récolter qu’une recette ou deux, chaque grand-mère ayant sa spécialité.


Bon. Mais il faudrait quand même en savoir davantage sur l’anatomie, la physiologie, les maladies. Et hop : j’entame des études d’infirmière. C’est un bon métier pour une voyageuse : on peut gagner sa vie dans tous les pays et sur tous les continents.


Puis quelques mois de nuit dans une clinique de la région parisienne – on en voit des vertes et des pas mûres, l’euthanasie d’un patient par une infirmière en direct, dès ma première garde, la toilette des morts, l’angoisse dans les yeux des malades la nuit... – puis quelques mois à domicile, à grimper des dizaines d’étages. C’était super de voir les gens chez eux, dans leur environnement. Très humain, très chaleureux.


Vers l’âge de 30 ans, premier voyage « hors du connu », Europe et Amérique du Nord. Nous voici 4 voyageurs au Mali, à la rencontre d’agents de développement locaux, logeant chez l’habitant, au cœur de la population. Le choc à la sortie de l’avion, lorsque vous cerne une chaleur lourde et étouffante, le choc au réveil dans la famille locale, lorsque l’on entend les petites servantes papoter en préparant la bouillie de mil…


L’un de nos interlocuteurs m’extrait du fond de ses malles le livre « L’argile qui guérit », de Dextreit. Connivence. Amitié. Il me propose de rencontrer une accoucheuse traditionnelle - j’ai toujours rêvé de faire ce métier – et comme elle habite en brousse, loin de toute route balisée, il me prêtera son 4x4 et son chauffeur. Il faudra abandonner le voyage organisé, et me débrouiller seule. Dormir sur le sol avec les familles, m’alimenter au marché, une excellente plongée en immersion…


Le jour dit, l’accoucheuse me reçoit dans sa case, mais sur le banc de terre où je suis assise git à quelques centimètres de moi une petite fille dans le coma… Vie et mort sont intégrés dans ces populations, et notre conversation suit son cours « normal » dans cette situation qui l’est peu… Discrètement je touche les pieds de l’enfant et commence à les masser, tout en poursuivant l’interview de la praticienne traditionnelle… Je n’ai pas étudié la réflexologie plantaire mais j’en connais le principe. Je laisse mon cœur guider mes gestes.


Finalement nous parlons de l’enfant… Elle est atteinte du palu la plus grave : le falciparum. Trois jours à l’hôpital en vain : antibiotiques, antipaludéens, antiparasitaires, tout a été tenté. Elle a été rendue à sa famille pour mourir…. A ma demande, son père me la confie, et porte l’enfant vers le 4x4. Tout le village nous suit, dans le soleil couchant… En ville, Médecins du Monde est fermé, aïe ! A l’hôpital de Mopti, pas un seul médecin, et l’infirmier de garde s’est enfermé à clef.


Avec la tante de la petite, nous trouvons un lit vide (avec des seringues et aiguilles sales dessous !). J’ai apporté mon argile en cailloux et en poudre, et récupéré un braséro et une petite marmite : pendant toute la nuit nous pétrissons vigoureusement les pieds de la petite, et appliquons des cataplasmes d’argile très chaude sur la nuque, afin de relancer son thermostat, car son corps est glacé.… Elle fait une encéphalite, je la traite avec l’élixir du suédois. Au matin, elle est assise, les yeux ouverts, mais encore inconsciente.


Son cerveau reprenant du service, elle fait une crise d’épilepsie… Et se rue sur la marmite d’argile dont elle avale un bon kilo de boue… Et la crise cesse ! La famille me dit : vous avez sauvé sa vie, on vous remercie, maintenant elle a « les diables », nous au village on a ce qu’il faut pour çà, est-ce que vous nous autorisez à la ramener chez nous ?… Un an plus tard, je retournerai à leur village, et l’on m’amènera la petite, magnifique, et sans la moindre séquelle...


Toute la ville m’a regardée soigner l’enfant… On veut savoir mes secrets… On me prie de former un infirmier très respecté, que tout le monde appelle « docteur ». Mais il ne parvient pas à intégrer les raisonnements de la médecine naturelle. Finalement, dans la famille qui m’a accueillie, un jeune professeur fan de Thomas Sankara, Sory Ibrahim Tapo, désire apprendre mes techniques. L’élève se montrera remarquable, et soignera toute la population jusqu’à aujourd’hui, avec une argile récoltée aux abords de la ville. La directrice de la consultation de nourrissons de la ville sera également formé, et plus aucun enfant ne mourra désormais de diarrhée...


C’est ainsi que tout a commencé… J’ai dû me présenter au ministère de la santé – en Afrique, il est important de « passer par les voies », de montrer patte blanche aux autorités - et même s’il m’ont accueillie avec la plus grande gentillesse, je me suis dit qu’un diplôme de médecin serait une meilleure caution qu’un diplôme d’infirmier… Et à 38 ans je commençais médecine, avec pour tout bagage un bac littéraire cacochyme… S’en sont suivies des missions argile au Guatémala, au Pérou, au Burkina-Faso, au Bénin, etc. Toujours en immersion dans la population. Un régal….



photo 1 - vente d'argiles au marché de Puno, sur le lac Titicaca, Pérou (2.900 mètres) photo 2 - premières études des argiles amenés par les paysans locaux

photo 3 - les enfants jouent le jeu et s'appliquent l'argile sur les mains

 

Article écrit par Jade Allègre, médecin, naturopathe et anthropologue.


Les infos pratiques sur Jade :


Ses formations, stages, conférences et ateliers :http://jade-allegre.com/argiles/stages/

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